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Les matériaux symboliques et la nature en Afrique : l’arbre, le monde végétal (Le sens de la terre 4° partie)

mercredi 2 novembre 2016, par Albertine

Loin d’être un simple lieu d’habitation, la terre donne sens à la vie. L’arbre occupe une place importante en Afrique. Parmi des significations multiples, il exprime le rapport d’une société à son milieu.

Le thème de l’arbre

Parmi des significations multiples, l’arbre exprime le rapport d’une société à son milieu (Cf. Calame-Griaule G.. Le thème de l’arbre dans les contes africains, Paris, Bibliothèque de la SELAF, éd. 1969-1970-1971, pp. 16. 20. 42-43). L’arbre dernier constitue l’écosphère considérée du point de vue de l’homme. L’arbre apparaît comme le représentant privilégié du monde végétal, souvent assimilé à un être humain.

Ainsi, la haute vallée du Sénégal traverse, comme tout le Sahel, une grave crise écologique et économique. Elle est devenue une terre d’émigration pendant la période coloniale et plus particulièrement ces trente dernières années. Les ressources locales, agricoles notamment ont été marginalisées face à l’importance croissante des revenus extérieurs. Ce conte témoigne d’une valorisation ancienne et quelque peu oubliée du milieu végétal. Elle gagnerait aujourd’hui à être réactualisée avec la mise en place de différents projets de développement, aménagement du fleuve et opérations de reboisement (Cf. M. Chastanet, « Du bon usage de « l’arbre nourricier » dans G. Pontié / M. Gaud (dir.), Afrique contemporaine : l’environnement en Afrique, n°161, Janvier-mars 1992. p. 188).

L’arbre, dont l’espèce n’est pas précisée, représente à lui seul tous les arbres mais aussi, dans un contexte de famine toutes les plantes de « la brousse ». Son ombre, ses feuilles, son écorce évoquent de façon assez réaliste les multiples usages des arbres en Afrique. Il peut être un être merveilleux, doué de parole, que les animaux « rencontrent ». C’est l’arbre nourricier qui contient des ressources inépuisables, si l’on sait en user avec modération. -----

La terre, l’arbre et le planceta

On note, par exemple, un lien de parenté entre la terre, l’arbre et le placenta. Dans certaines traditions, après l’accouchement, le placenta est enterré dans la cour de la maison sur lequel un arbuste est planté ou à proximité immédiate de celui-ci. L’arbre doit être un arbre fruitier et non simplement ornemental. L’essentiel ne réside pas dans le processus de rattachement d’un individu à un jeune arbre qui grandira avec lui et symbolisera son identité individuelle, mais bien dans l’harmonie et même la continuité des éléments dont participent l’homme et les plantes, et que manifeste l’enterrement du placenta.

Il existe en effet une continuité de fructification entre l’arbre fruitier et ce nouveau-né dont le placenta est "planté" par un parent ou grand-parent, c’est-à-dire, par quelqu’un qui a déjà donné la vie. On constate donc dans ce rite un lien structurel entre la naissance, le placenta, et la terre. Résider quelque part, au sens fort du terme, c’est y être comparé à une souche d’arbre. Etre un "homme-souche", c’est être reconnu comme participant d’une lignée résidentielle, elle même identifiée à un ensemble de terres, par les membres de cette lignée.-----

L’arbre comme don sacré

Sous un autre angle, selon Louis Vincent Thomas, l’arbre intervient en tant que forme (phallique par exemple), couleur (celle de l’écorce, des feuilles, de la sève, des fruits), trait spécifique (dur ou tendre, plein ou creux comme le baobab). Ainsi le balanza des Bambara qui perd ses feuilles en hivernage et les retrouve en saison sèche renvoie en vertu de son cycle inversé au mythe de l’autochtonie. Il s’agit de ce qui est né de la terre par opposition à ce qui est né d’un couple sexué, régi par les règles de l’alliance et qui ignore la circoncision différenciatrice des sexes. Posséder collectivement l’arbre équivaut à représenter l’autorité des ancêtres. Il est donc sacré, on ne peut le couper sans invoquer les ancêtres et leur demander pardon.

C’est dans cette vision globale de l’homme inséré dans un flux vital qui le dépasse, que se conçoit la terre et la nature. S’il en est ainsi, le message que nous transmettent ces symboles est d’aménager l’espace de vie, en ménageant le capital-nature. Certes, les grands enjeux ne consistent pas à conserver une nature mythique, mais à l’exploiter sans détruire ses capacités régénératives. Il s’agit d’assumer notre responsabilité à l’égard de notre demeure, la terre, car le soin que nous prenons de notre milieu affecte la qualité de nos relations avec les autres.

Beatrice Faye cic

Mise en forme CEAF&RI