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Ecoute plus souvent les choses que les êtres (Le sens de la terre 8° partie)

mardi 27 septembre 2016, par Albertine

En Afrique, comme une mère, la terre est demeure, habitat, nourriture, d’où la nécessité de la traiter avec respect et dignité parce qu’elle est vie et donne vie. Une vision et un engagement africain pour l’écologique et le respect du vivant, de l’environnement.

Il s’agit de la suite de la réflexion sur le sens de la terre dans la culture africaine : penser comme une terre-mère (8° partie)

La terre : une mère

La terre en Afrique est mère, elle donne vie. Comme le premier environnement de l’être humain est le ventre de sa mère (placenta-écosystème), la terre représente un autre écosystème où l’enfant qui vient de naître (entrer dans le sein de la terre) est accueilli. Comme une mère, la terre est demeure, habitat, nourriture, d’où la nécessité de la traiter avec respect et dignité parce qu’elle est vie et donne vie. Ce sens permet de renouer le rapport de l’homme à la terre-mère. Le milieu naturel dans lequel l’homme baigne est comparable au placenta maternel, ce premier écosystème nourricier de l’être humain. L’être humain y trouve sa demeure. Il vit en symbiose avec la mère qui le porte. Il communique avec elle. Celle-ci le porte et le protège.

Une fois sorti de ce premier sein, l’enfant entre dans le grand placenta de la Terre-Mère. Ce deuxième écosystème est de nouveau sa demeure, son milieu nourricier, protecteur. Dès le premier contact, le souffle qui envahit ses poumons libère la parole sous la forme du cri. Une nouvelle communication s’établit entre la Terre et l’être humain ; elle prendra plusieurs formes d’expressions.

Le souffle des ancêtres

Cette Terre-Mère se représente en trois cercles concentriques : l’espace central du village apprivoisé par la présence de la communauté humaine des vivants (Espace 1) ; l’espace plus large des champs d’où les humains tirent leur nourriture par le travail de leurs mains ; cet espace est un legs des ancêtres (Espace 2) ; l’espace plus englobant qui est enfin la nature non apprivoisée, mythique, habitat des ancêtres et du monde numineux (Espace 3).

A ces différents niveaux, circule la VIE qui doit être protégée à la fois par les êtres humains vivants dans leur corps biologique et par les ancêtres qui vivent dans l’eau, dans l’arbre, dans la pierre, etc. La nature a donc une âme. L’arbre et l’animal sont des vivants. Mieux, ils sont la demeure des ancêtres :

« Ecoute plus souvent,
Les Choses que les Etres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Ecoute dans le Vent
Le Buisson en sanglots :
C’est le Souffle des ancêtres ».
(Birago Diop)-----

La vie en nous et autour de nous

Les caractéristiques fondamentales que je déduis de cette vision de la Terre comme Mère est que la Vie est non seulement en nous, mais aussi autour de nous. La vie ne se développe que dans l’harmonie de tout le monde qui entoure les humains, vivant dans leur corps et vivant en esprit ! Sous l’arbre qui abrite les ancêtres la communauté villageoise palabre et refait son unité. Peut-on le couper sans égard ? Est-ce de la simple matière ?

Tout comme la vie doit continuer dans l’espèce humaine, de même la nature doit continuer de vivre, elle doit pouvoir se renouveler par l’entremise de l’action humaine car c’est l’habitat des ancêtres. Et chaque enfant hérite du devoir de faire vivre ses géniteurs, de veiller à ce qu’ils vivent longtemps. De même les générations de vivants doivent-elles veiller au maintien de l’habit des ancêtres.

A l’écoute de la nature

Le poète Birago Diop invite à l’écoute de la nature (Souffles). Que dit la nature aujourd’hui ? Elle gémit, elle crie, elle pleure... Elle se meurt ; elle meurt. N’est-ce pas une mystique de communion avec la terre placenta qui manque à notre monde avide de "développement" matériel au détriment de notre bien-être intégral ? L’âme profondément africaine dirait : Oui. Notre terre, dominée par la violence, a besoin d’un cœur pour que toute personne puisse y survivre sans se déshumaniser totalement.

Il faut espérer que s’ouvre enfin pour notre terre une ère de la terre mère c’est-à-dire, une ère du cœur, de la compassion. Il n’y a qu’une voie porteuse d’avenir, celle de la tendresse, de la douceur, du respect, de la modération dans l’avoir et du partage dans la solidarité.

Beatrice Faye cic

Mise en forme CEAF&RI