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Changements de paradigmes : risque et interpellation pour l’Afrique ?

dimanche 29 septembre 2013, par Albertine

Une autre Afrique est possible. On la croyait vide, rurale, animiste, pauvre, oubliée du monde. Elle est désormais au centre de nouveaux grands enjeux mondiaux. Comment se situe-t-elle face aux changements ? Quelques axes pour le devenir du continent.

Une autre Afrique possible

Anne-Béatrice FayeNous relevons quelques axes pour le devenir du continent au regard des changements géographiques et culturels actuels en soulignant la réémergence stratégique de l’Afrique.

On la croyait vide, rurale, animiste, pauvre, oubliée du monde. Or, la voici fourmillant de vie, urbaine, tournée vers l’avenir. Si la misère et la violence y sévissent encore, la croissance économique y a repris ; les classes moyennes s’y développent à grande vitesse. Elle est désormais au centre de nouveaux grands enjeux mondiaux. Comment se situe-t-elle face aux changements ?

Changements de paradigmes

Aujourd’hui, l’être humain s’est émancipé des grandes structures stables qui ont longtemps encadré son existence. Il s’agit de la famille, la religion, le travail, la politique, la société... De plus, le passé est recomposé et le futur dilué. Le temps s’est rétracté à nouveau autour de l’instant, de l’immédiat. Selon M. Maffesoli, sociologue, « la crise que nous traversons est une crise de civilisation, une crise systémique et non pas seulement une addition de crises séparées (crise économique, crise financière, crise écologique, crise scientifique, etc.). C’est en fait, une prise de conscience doublée d’une perte de confiance à l’égard des principes qui nous ont servi de guide. La déclinaison de ces principes a fini par produire des contradictions qui les rendent inadaptés ».-----

Au niveau des valeurs

Nous parlons alors de crise des valeurs. Il n’existe pas de sens collectif de valeurs stables, car, notre perte du sens d’enracinement dans un milieu donné nous rend vulnérables. En revanche, les différences culturelles sont vues comme une expression légitime des différentes visions du monde. On s’interroge beaucoup actuellement sur les stéréotypes et les préjugés sociaux liés au sexe, à l’âge, à l’état de santé, à l’ethnie, à la religion, à la situation économique.
Les mégalopoles ou grandes villes sont un nouveau phénomène social et économique. On discute des fonctions urbaines, de l’utilisation des sols, des quartiers, des banlieues et de leurs rapports avec l’espace rural environnant.-----

Domaine des ressources naturelles

D’autres situations qui interpellent l’Afrique sont les ressources naturelles ; les activités économiques de la population, la division du travail, le concept d’interdépendance économique et les avantages comparatifs qui en découlent, sont conjugués avec le problème de la rareté : pénurie des ressources face à des besoins illimités et nécessité de choisir, en excluant bien souvent une grande majorité de la population.
Ce visage du monde actuel projette devant nos yeux une réalité fort complexe.

En considérant le caractère des changements profonds et substantiels qui sont en cours dans la société mondiale, on ne peut aborder la question de l’Afrique de manière isolée. Il s’agit de percevoir que tout est interconnecté, entrelacé, et qu’il existe une interdépendance entre les phénomènes et les crises, interdépendances entre génération, les jeunes et adultes, hommes et femmes, riches et pauvres, politique et religieux. Des phénomènes innombrables et diversifiés sont en train de se produire. Nos problèmes et défis, nos insécurités et incertitudes, nos utopies et nos conquêtes ne peuvent se concevoir séparément les unes des autres. Tout cela atteint le cœur du quotidien des hommes et femmes du continent.-----

Défis de la démographie.

L’Afrique se transforme à grande vitesse d’abord par sa démographie : en 2050, dans leur scénario de projection médian, les Nations Unies estiment la population de l’Afrique à 1,8 milliard d’habitants, soit le cinquième de la population mondiale. Une évolution que certains qualifient de "phénomène de rattrapage". L’Afrique renaît après l’hémorragie démographique de la traite négrière et les traumatismes de la colonisation. La population continue de croître très rapidement, alors qu’elle est en voie de stabilisation partout ailleurs dans le monde. Existe-t-il une exception africaine ? Cette démographie pose plusieurs défis, signalons quelques uns :

• un pourcentage élevé de jeunes à éduquer, à former et à occuper ;

• une explosion urbaine sans précédent dans l’histoire ;

• un contexte interne de double crise d’efficacité et de légitimé des puissances publiques ;

• un contexte international de moins en moins ouvert aux grandes migrations internationales ;

• et une époque de rareté de certaines ressources.-----

Nécessité des politiques sociales et urbaines de qualité

Les puissances publiques, dépassées par l’ampleur des besoins, risquent de laisser davantage de place à une vaste "économie de la débrouille".
Il se pose le grand défi de politique publique en Afrique. En effet, face à ce double phénomène de rattrapage et d’urbanisation, il faudra absolument des politiques sociales et urbaines de qualité meilleure qu’aujourd’hui pour le développement du continent et pour freiner le nombre de départs migratoires.

Anne-Béatrice Faye, extrait communication au FSM "Crise et civilisation en crise en Afrique subsaharienne : risques et opportunités", Dakar février 2011.