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La mort-à-soi comme fondement de l’identité libérée

dimanche 15 mars 2015, par Albertine

L’identité libérée, authentique n’est possible que s’il y a la "mort-à-soi. Telle est la thèse de la philosophe malienne, docteure Thérèse Samaké, professeure à l’Université Catholique d’Afrique de l’ouest , Unité universitaire d’Abidjan (UCAO/UUA). Elle ouvre des pistes pour dépasser les dérives des "identités meurtrières" et accepter l’altérité, la différence. Un defi pour le vivre ensemble...

Une recherche fondamentale

Ce travail, intitulé « La mort-à-soi comme fondement de l’identité libérée : essai de réflexion sur l’Aufhebung hégélienne », par la Dr. Thérèse Samaké, s’inscrit dans la logique hégélienne du processus historique de l’identité authentique.
Il s’agit d’un résumé de ma thèse de doctorat soutenue à l’université Catholique d’Afrique de l’Ouest, Unité Universitaire d’Abidjan, (UCAO-UUA), le 31 juillet 2011, en Côte d’Ivoire.

Deux raisons fondent le choix de ce thème

Première raison : comrendre l’amiguîté de notre temps
La première se justifie par notre désir de comprendre l’ambiguïté de notre temps, caractérisé à la fois par autant de succès que d’échecs dans la quête de l’identité. On constate de plus en plus l’attention particulière accordée aux droits de l’homme et surtout à la promotion de la liberté et de la dignité de la personne humaine ; et pourtant l’homme du 3ème millénaire est confronté à une véritable crise d’identité qui se traduit par la naissance des individualités sacrées et absolues ou, selon l’expression fort significative de Maalouf , des identités meurtrières, chacun se cherchant et tendant à éliminer l’autre.

Deuxième raison : lien entre philosophie, théologie et morale

La deuxième raison du choix de notre sujet est la quête d’un terrain commun entre philosophie, théologie et morale qui tienne lieu de révélation et de célébration de l’identité libérée de toute différence indifférente et de toute uniformité plate. Il ne s’agit pas de donner un sens abstrait à l’identité, mais une signification qui, d’elle-même, ne cesse de se parcourir, de se révéler, de se dire comme telle. Il s’agit de rendre l’identité à sa propre raison dans la fluidité du devenir.
Avec la logique du devenir, l’identité cesse d’être une définition ou un état de ce qui est égal à soi-même, indivis et inchangeable pour être essentiellement vie et, en tant que vie, elle est ce « déjà là et pas encore », parce que simplement devant mourir à l’immédiateté première de soi.

Ainsi est remise en cause la positivité originaire de ce qui est : ce qui est donné, n’est pas l’effectivité de la chose, car le positif ne trouve sa vérité que dans le procès du négatif, l’identité n’atteint sa certitude que sous le régime de la différence.-----

Identité et différence ou le devenir autre

L’ossature de notre problématique entend conjuguer ensemble identité et devenir-autre ou identité et différence. La recherche de la réponse à cette préoccupation nécessite l’entrée dans un rapport dialectique entre la mort et la vie, l’égalité-à-soi et le devenir-autre, le particulier et l’universel. Et le nœud de ce rapport est la sursomption, die Aufhebung qui signifie : la négation qui conserve ce qu’elle nie en l’élevant à un niveau supérieur.

Trois hypothèses

Trois hypothèses laissent entrevoir la base de notre entreprise.

1. La mort à soi : un art de vivre

La première hypothèse est l’attestation que la mort est cela même qui est essentielle à la vie. La véritable vie se pose dans la tragédie de la mort. Par conséquent, la mort-à-soi comme art de vivre, est la condition de possibilité de la restauration de soi, la voie par laquelle le sujet rejoint son unité originaire et parvient à la certitude de soi.

2. Identité comme mobilité, savoir absolu de soi

La deuxième hypothèse est ainsi la compréhension de l’identité comme mobilité, comme processus de devenir. La véritable identité ne peut être célébrée qu’au rythme de la négation et de la sursomption. Ainsi, de moment en moment ou d’étape en étape, l’identité devient ce qu’elle est effectivement et se solde par le savoir absolu de soi. Le savoir absolu de soi est ce moment de la vraie connaissance de soi, de la recollection du parcours effectué et surtout de la jouissance de sa liberté.

3. La liberté, apothéose de l’identité

Ainsi s’annonce la troisième hypothèse qui pose la liberté comme l’apothéose de l’identité. N’est libre que celui qui a sursumé toute immédiateté, toute altérité, qui s’est fait une présence effective dans le monde, qui s’est rendu à l’universel, se posant ainsi comme une identité libérée : identité libérée, parce que s’étant rendue présente à elle-même ; identité libérée, parce que capable de se donner une sphère objective dans la dynamique de la rationalité et de l’universalité ; identité libérée, parce qu’actrice de l’histoire universelle.-----

Thèse : l’être humain n’atteint sa vérité qu’en passant au creuset de la mort-à-soi.

Formant un tout dynamique, ces trois hypothèses fondent notre thèse selon laquelle, l’homme n’atteint sa vérité qu’en passant au creuset de la mort-à-soi. Autrement dit, l’homme par la sursomption de son immédiateté dans l’acte du mourir-à-soi, se pose identique et libre dans le monde. Ce qui est visé dans le mourir-à-soi, c’est la négation de l’être naturel et l’advenue de la vraie identité, libérée de toute finité naturelle.

Objectifs

La portée de notre thèse est : d’une part, repenser à nouveaux frais, les rapports de l’homme à lui-même et de l’homme au monde ; d’autre part, poser les bases d’une réflexion à partir des expressions de la mort-à-soi qui, aujourd’hui, pourront servir de principe pour résoudre l’épineuse problématique des crises d’identité, des conflits ethniques, des revendications sociales liées à la quête entêtée et aveuglée d’un sens propre et des intérêts égoïstes.-----

Au sommaire

Notre travail comporte trois grandes parties :

- Dans la première partie, nous analysons et établissons une analogie entre certains termes logiques et certaines expériences qui rendent comptent de la signification de la mort-à-soi. Il s’agit de penser une nouvelle appréhension de la mort comme négativité créatrice et productrice de sens et d’identité. L’Aufhebung hégélienne et la kénose chrétienne servent de lieux de compréhension de la mort comme porteuse de vérité essentielle.

- Dans la deuxième partie, l’accent est mis sur le triomphe de la mobilité. L’idée hégélienne de l’identité non seulement inclut un processus dynamique, mais aussi repose sur le principe de la différenciation. La compréhension de cette logique ne trouve sa justification que dans l’appréhension hégélienne de l’être comme mobilité. Ainsi, la remise en cause de l’immobilité de l’être, selon les Anciens, y est évoquée et nous y décrivons la genèse ou les différents moments de l’identité : l’identité immédiate, l’identité essentielle, la sursomption de l’identité essentielle ou l’identité libérée.

- Quant à la troisième partie qui nous entraîne dans l’horizon éthique, politique et universel de l’identité, elle permet d’examiner les lieux de réalisation historique de l’identité à partir de la liberté comme son contenu ou son expression propre. Cette partie se solde par une réflexion sur l’exigence d’un nouveau mode d’être au monde aujourd’hui en tant que principe de réalisation de l’identité libérée : l’élévation de soi à l’universel. Ce principe est étayé par le savoir-être, le savoir-vivre-ensemble et le savoir-faire.-----

Bref CV de l’auteure

Malienne, Thérèse SAMAKE est docteure en philosophie de l’Université Catholique d’Afrique de l’Ouest, Unité Universitaire d’Abidjan (UCAO-UUA) Côte d’Ivoire et professeure.
- De 1999-2003 : étudiante à UCAO-UUA où elle obtient une maîtrise en philosophie.

- De 2003-2005, enseignante au Lycée « Afrique-Unie » de Kayes au Mali.

- En 2006, DEA (Diplôme d’Etudes Approfondies) en philosophie à l’UCAO-UUA.

- 30 juillet 2011, Doctorat en philosophie.

Travaux universitaires :

1. Education et Justice dans la philosophie de Platon, Memoire de Maîtrise en philosophie, Faculté de philosophie, Université Catholique d’ Afrique de l’Ouest, Unité Universitaire d’Abidjan (UCAO-UUA), 2003

2. Individu et Totalité dans la philosophie de Hegel. Travail pour l’obtention du DEA, Faculté de philosophie, Université Catholique d’ Afrique de l’Ouest, Unité Universitaire d’Abidjan (UCAO-UUA), 2006

3. La mort-à-soi comme fondement de l’identité libérée : essai de réflexion sur l’Aufhebung hégélienne, thèse de doctorat en philosophie, Faculté de philosophie, Université Catholique d’ Afrique de l’Ouest, Unité Universitaire d’Abidjan (UCAO-UUA), Abidjan, 30 juillet 2011.

Dr. Thérèse SAMAKE
Université Catholique d’Afrique de l’Ouest (UCAO)
Unité Universitaire d’Abidjan (UUA)

Mise en forme CEAF&RI