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La répartition des tâches : une question de genre

samedi 28 juillet 2018, par Albertine

L’inégalité dans la répartition des tâches entre l’homme et la femme constitue un défi majeur pour l’autonomisation des femmes partout dans le monde. En Afrique, toutes les tâches non productives de revenu relèvent de la responsabilité des femmes. Quels sont les défis à l’égalité de genre ?

Les concepts de genre et égalité

Les gens font une confusion nette autour de ces concepts. Le concept genre étant abstrait, on a souvent l’habitude de le ramener à la femme. C’est une erreur de ramener le concept genre à la femme.
Le concept de genre est un concept politique et mobilisateur. Il renvoie plus à une dimension idéologique que scientifique.

Le genre renvoie à la relation entre homme et femme, en s’adressant au rôle masculin et féminin tel que c’est socialement construit. Le concept genre est intéressant dans la mesure où il nous permet de faire la différence entre l’identité biologique et l’identité sociale de l’être humain. Le fait d’être du sexe masculin ou du sexe féminin, c’est immuable. Le sexe ne change pas.

Mais les fonctions ou les rôles que nous avons dans notre société dépendent de la manière dont chaque société conçoit ce que c’est un homme ou ce que c’est une femme. Ce qui varie suivant le temps et l’espace ou le milieu dans lequel on vit. Le genre évolue et change. A partir de ce concept, on a pu développer d’autres concepts, des outils d’analyse et des approches.

Le concept d’égalité

« Etre égal ne signifie pas être identique ».
L’égalité dont il est question concerne l’égale répartition des tâches, rôles et responsabilités dans la société. L’égalité des droits fondamentaux des humains. Il s’agit bien de l’équité au sens d’une juste redistribution des responsabilités, rôles et un accès équitable aux ressources. Tandis que l’identité (ou la ressemblance) est un concept ontologique.

Pour être pertinent, la démarche genre doit être fondée sur des résultats collectés sur le terrain afin d’éviter des a priori et des conclusions hâtives. Le principe est de sortir de ce cliché où il faut absolument mettre en opposition homme/femme. Le genre, ce n’est pas la femme seule, ni l’homme seul. Le genre, c’est l’homme et la femme et leurs relations dans la société.

Une étude dans tous les domaines d’une société donnée permet de voir comment se présente la situation des hommes et des femmes de façon globale. Mais il faut noter le déséquilibre très profond entre l’homme et la femme en termes de participation à la gestion du pouvoir dans le monde et en Afrique.

Femmes au pouvoir

Ainsi au Sénégal, ce déséquilibre se traduit par 13% de femmes au gouvernement, 22 % au Parlement. En R. D. Congo, 15 % des femmes au gouvernement (soit 9 ministres et vice-ministres sur 60 ministres), 13 % (parlement 8,4 %, Sénat 4, 6 %).
Dans le milieu scolaire, il y a une égalité entre garçons et filles dans l’école primaire (ou l’élémentaire), mais au moyen/secondaire et dans l’enseignement supérieur, les femmes sont en diminution.

Femmes dans l’économie

Au niveau économique, notamment en matière de disposition des ressources, les femmes ont un accès limité. Les politiques d’emploi sont en défaveur de la femme. Ainsi, en matière de travail, de productivité ou d’accès à la terre, les femmes sont loin derrière les hommes. La situation globale est à leur défaveur. Et pourtant ce sont les femmes qui réussissent le mieux dans la filière des mutuelles et de micro-crédit. Si elles sont formées, sensibilisées et appuyées financièrement, elles peuvent sortir de cette situation de défaveur qui gangrène leur épanouissement.

Quels sont les défis

C’est dire que les défis à relever sont énormes pour ce millénaire. Dans la plupart des pays africains où la majorité de la population vit en deçà du seuil de la pauvreté,
Pour éradiquer la pauvreté, la seule possibilité, c’est d’accroître la richesse. Et pour ce faire, il faut produire. Or, la productivité des femmes est faible.

Paradoxalement, elles travaillent beaucoup mais leur productivité est faible, car toutes les tâches non productives relèvent de leur responsabilité. Dans le foyer, c’est elles qui cherchent l’eau, le bois de chauffe, s’occupent des enfants. Dans une famille d’agriculteurs, si l’homme a le temps d’aller toute la journée dans son champ, la femme ne dispose que d’une demi journée ou seulement de l’après-midi parce qu’il lui faudra d’abord accomplir son travail de ménage. Alors produisant moins parce que travaillant moins, elle aura moins de revenus que l’homme. Pourtant, il est possible dans les politiques publiques d’améliorer ses équipements pour lui permettre de mieux rentabiliser ses activités de richesse.
Les pays asiatiques qui s’en sont sortis, sont passés par là. Il faut que les femmes soient plus qualifiées mais au préalable, il faut qu’elles soient éduquées et soient en bonne santé, loin des grossesses précoces et des mortalités maternelles.

Sans rentrer dans des rapports conflictuels entre homme et femme, le problème de l’enjeu du développement, des défis de création de richesses, d’infrastructures scolaires et sanitaires sont beaucoup plus importants que le ping-pong auquel on assiste souvent au niveau des débats sur la question de la femme. Les institutions internationales d’aide au développement l’ont compris, en exigeant que tous les documents de réduction de la pauvreté soient rédigés en intégrant la question genre sur cet angle.

Quels moyens pour l’égalité entre hommes et femmes ?

Existe-il une volonté politique pour corriger ces disparités ? Si tel est le cas, quels sont les moyens mis à disposition pour le genre ? Les gens sont d’accord pour améliorer les conditions de vie des femmes. Ils sont également d’accord pour que les filles aillent à l’école. Le seul problème se trouve au niveau des responsabilités politiques et du budget alloué à ce secteur. Certes, la question politique demeure importante, mais les problèmes de développement sont aussi cruciaux. De toute façon, le jour où elles auront l’autonomie économique, les femmes auront aussi l’autonomie politique.

Albertine Tshibilondi (CEAF&RI)