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Féminisme militant ou féminisme d’Etat : quelle trajectoire choisir ? (II° partie)

samedi 26 novembre 2011, par Albertine

Qu’en est-il du féminisme africain ? Quelle trajectoire choisir ? Pauline Isabelle NGO NYOUMA tente de répondre à ces questions.

Feminisme militant peu structurée : quelques figures

Dans l’histoire contemporaine africaine, en dehors des actions remarquables de quelques figures marquantes telles que la Guinéenne Aoua KEÏTA, la Kenyane Wambui OTIENO ou la Mozambicaine Josina MUTHEMBA MACHEL, le féminisme militant a eu du mal à s’organiser de manière structurée et n’a pas réussi à se constituer en force capable d’influencer significativement le processus décisionnel des politiques en faveur des femmes.

Absence du féminisme militant

Certains observateurs dénoncent d’ailleurs l’« embourgeoisement » d’un militantisme féministe africain intéressé, qui défend l’agenda des bailleurs de fonds internationaux, pas toujours en phase avec les attentes et les réalités locales. Par ailleurs, les associations qui s’efforcent de faire un travail de terrain de fond, ne bénéficient pas toujours d’un appui technique ou financier suffisant. Comme il fallait s’y attendre, la faiblesse des mouvements féministes africains a favorisé la domination du féminisme institutionnel.

La Tunisie : un féminisme d’Etat

La Tunisie a une histoire ancienne et assez emblématique du féminisme d’Etat, depuis le premier Président de ce pays, Habib BOURGUIBA. En effet, le 13 août 1956, le Président BOURGUIBA avait promulgué le Code du Statut Personnel, qui proclamait l’abolition de la polygamie, le remplacement de la répudiation par le divorce judiciaire, le droit des femmes de travailler, d’ouvrir des comptes bancaires, de se déplacer ou de créer des entreprises sans l’autorisation de leurs époux. Il faut dire qu’à cette époque, la Tunisienne pouvait se considérer comme une privilégiée, comparativement aux autres femmes d’Afrique et du monde arabe.

Sur le Continent : un féminisme institutionnel

Partout ailleurs sur le continent, le féminisme institutionnel s’est traduit par l’adoption de textes internationaux sur les femmes, à l’instar de la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discriminations à l’Egard des Femmes (CEDEF) ; la création d’administrations et de structures spécifiquement dédiées aux problématiques féminines, la nomination des femmes à de hauts postes de responsabilité et la récurrence discursive des dirigeants africains pour une amélioration de la condition féminine.

Absence d’un ancrage idéologique fort

Mais le constat qui s’impose de manière générale, est que les différentes mesures adoptées souffrent de l’absence d’un ancrage idéologique fort et permanent, parce qu’elles s’apparentent à une simple mise en application des engagements internationaux. Dans ce contexte, il est difficile de cerner la sincérité, la cohérence et l’endogéneité des politiques publiques en direction des femmes, surtout eu égard au fait que la prise en compte du genre et le respect de l’égalité des sexes, sont devenues une conditionnalité à l’accession de bon nombre de programmes d’aide et de coopération au développement. De plus, compte tenu du poids électoral des femmes, qui représentent tout de même plus de 50% des populations africaines, il n’est pas exclu que certains dirigeants cherchent à s’attirer leur soutien.

Nécessité d’un militantisme de la société civile féministe

Qu’à cela ne tienne, le féminisme d’Etat ne saurait être expulsé dans des Etats en construction et soucieux de préserver leurs spécificités et identités culturelles, car il a l’avantage de pouvoir faire barrage au déferlement des doctrines féministes ultralibérales, qui promeuvent des causes qui heurtent les valeurs et croyances africaines telles que la légalisation de l’avortement, de l’homosexualité, de la transsexualité, la libéralisation des mœurs. Les pays africains devraient donc jouer le rôle de régulateur, sans pour autant étouffer ou instrumentaliser le militantisme de la société civile féministe. Cette dernière est pour sa part, appelée à se constituer en think tank et en lobbying indépendants de toutes manipulations étrangères, pour une transformation profonde, authentique et un progrès réel du statut de la femme en Afrique.

Références Internet

1) Sophie BESSIS, « Le féminisme institutionnel en Tunisie », Clio, numéro 9-1999, Femmes du Maghreb, [En ligne], mis en ligne le 22 mai 2006. URL : http://clio.revues.org/index286.html. Consulté le 28 septembre 2011.

2) Origines de la Journée internationale de la femme sur le site de l’ONU à l’adresse http://www.un.org/fr/events/women/iwd/2011/history.shtml
8mars-online.fr

4) Site du dictionnaire Larousse http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/femmes/119248

Pauline Isabelle Ngo Nyouma, Mme Hieh

Diplômée de l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC)