Cinquante ans des indépendances africaines : l’héritage des Conférences Nationales (troisième partie)

Dire l’innommable

Les Conférences Nationales seront comme une insurrection contre l’illégitimité établie. Les pouvoirs en place le comprennent bien, eux qui résisteront de toutes leurs forces à ces états généraux qui voulaient redonner le pouvoir au souverain primaire, le peuple.
Mais, cette insurrection se voulait pacifique et légale. Il faut passer d’un ordre marqué par la violence et l’arbitraire à un état de droit. Néanmoins, la renaissance ne peut être un simple réaménagement. Il s’agit d’un nouveau départ, comme au moment des indépendances.
Alors, comme dans la tradition africaine, on avait besoin d’une parole libérée, parfois violente. Elle seule libère et permet la restauration de l’équilibre social.

Dire l’innommable, entendre l’inouï, afin que jamais plus cela n’arrive.
Tout devait être revu, repensé, réorganisé à la sombre lumière du noir soleil de la malemort nègre. C’était comme le passage obligé pour être en état de considérer les possibilités d’un rétablissement, d’un nouveau départ .

Les pendules à l’heure

Pour construire à nouveau, il fallait, au préalable, démonter l’ordre ancien, pièce par pièce. Aucun domaine n’est épargné. Cette déconstruction passe également par la remise en cause des emblèmes des anciens régimes, marquant ainsi le désir de renaissance. Il ne s’agit pas ici d’une simple restauration. Ce retour aux sources a valeur de subversion. Il remet en cause l’ordre établi par tous ceux qui avaient mis fin à l’ordre issu des indépendances.
En remettant donc les pendules à l’heure, on espérait ainsi rebondir. On réalisait ainsi le grand pari de trouver dans le continent les ressorts qui permettent de réinventer son devenir, de transformer ses nombreux échecs en défis.

Paulin POUCOUTA